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György Lukács [en vert et violet] |
Vincent Charbonnier | Avouons-le d’emblée, la totalité est d’abord une question personnelle,
dont la problématisation philosophique répond à la
rationalisation d’une exigence de sens, vécue comme indispensable à toute vie
pratique. Selon nous, on ne philosophe pas tant pour le plaisir d’éduquer son
âme que pour comprendre le monde, qui nous entoure, nous excède et nous
détermine, et parce qu’en outre, comprendre le monde c’est aussi le
transformer. Nulle puérilité donc dans cette exigence quasiment ontologique de
savoir, mais une inquiétude qu’une satisfaction, toujours partielle, vient
nourrir. L’histoire n’a cependant que faire d’états d’âmes
individuels, quand, d’une rare économie de figures, elle semble exhiber les
conséquences, génériques, engendrées de cette inquiétude érigée en principe
pratique.
La positivité de la totalité, telle qu’elle nous semble être valorisée et portée par le siècle des Lumières, qui découvrit progressivement, sous quelles ténèbres gisaient ses clartés, se serait ainsi et d’un coup, convertie, abolie, en la plus monstrueuse des inversions, payant de la sorte, avec certes un léger décalage – un retard ? – de deux siècles, son ombre portée.
La positivité de la totalité, telle qu’elle nous semble être valorisée et portée par le siècle des Lumières, qui découvrit progressivement, sous quelles ténèbres gisaient ses clartés, se serait ainsi et d’un coup, convertie, abolie, en la plus monstrueuse des inversions, payant de la sorte, avec certes un léger décalage – un retard ? – de deux siècles, son ombre portée.
Évoquer la totalité, c’est immanquablement convoquer la
« part maudite » du xxe siècle, copieusement figurée par le
totalitarisme qui, moins qu’une figure associée, n’en est que l’autre face, tel
le dieu Janus. La totalité est totalitaire n’eût pas démenti Karl Popper,
à tort, selon nous. Le totalitarisme ne serait dès lors que la projection
politique du totalitarisme philosophique, largement imputable à Hegel, ainsi
qu’à son turbulent rejeton, Marx [1]. La totalité est une tentation, quelqu chose
comme une promesse négative indexée à cette crainte des masses (É.
Balibar) qui hante, comme il y a déjà 150 ans, notre époque et notre continent,
et qui, par dessus tout, « dans la figure mythique du totalitarisme – étayée
sur des faits bien réels, mais bien hétéroclites – […] a donné corps
aufantasme d’un mouvement de masse “total”, suscité du dedans ou du dehors
par une menace de mort, de négativité radicale, et capable d’imposer
l’uniformité absolue des individus » [2].
Il est bien évident que
cet effroi se fonde en premier lieu sur « la singularité
d’Auschwitz » [3], dont a fait on le modèle et l’acmé d’une raison
instrumentale se nourrissant en quelque sorte d’elle-même, comme Chronos – autre
fameuse figure mythologique –, de ses enfants. Peut-être est-on un peu
trop vite passé desdécombres à la ruine [4]. Sans donc vouloir le moins du monde effacer
l’importance de cette césure dans l’histoire, nous ne voulons pas non plus, par
symétrie, la surdéterminer comme un abîme de non-sens. Parce que c’est
s’interdire de penser l’avenir, et donc de comprendre les possibles résurgences
de cette singularité malheureusement plurielle [5], parce que c’est tomber dans la facilité d’une
déchéance inscrite ontologiquement dans la chair de l’humanité, la fameuseGeworfenheit défendue
par l’un de ses plus fidèles zélateurs intellectuels (Heidegger) [6].
Est-ce la fin de siècle,
incidemment celle d’un millénaire ? Toujours est-il que « l’audace »
poppérienne, semble avoir, discrètement et sans fureur, cédé le pas à une
critique plus « subtile », plus insidieuse en fait, parce qu’entée
dans la philosophie même, mais critique plus massive encore des grandes
métaphysiques systématiques, fussent-elles laïques, dont la totalité est
l’exigence maîtresse mais démesurée. Figure bien commode en vérité
que la Raison, tour à tour tribunal, accusé, et finalement épurée de ses
fantasmes, de sa négativité immanente : l’exigence de totalité. Car
désormais, c’est au nom de la Raison qu’on juge ses errements coupables en
direction de la totalité. Mais, l’histoire profane – profanée par
l’oubli ! – nous rappelle, quand on y promène sa curiosité, que ce
sont souvent ceux-là même qui, honnissant avec force(s) ces monstrueux
errements, brûlent en fait ce qu’ils avaient jadis adoré, avec, il faut le
relever, une constance qui force l’admiration. Ainsi, aurions-nous voulu dire à
Jean-François Lyotard par exemple [7], s’il avait pu nous entendre, combien sa critique
des grands récits et son éloge du fragment, dont il fut avec tant d’autres
– ne les oublions pas ! –, le prêtre et le dithyrambe, n’est
qu’une retraite dans le verbe et l’interprétation [8]. Si les voies du Seigneur sont si impénétrables,
ne serait-ce qu’elles n’existent tout simplement pas ? Au fond, les deux
critiques sont homologues, l’une se payant largement de son audace supposée,
l’autre préférant le charme discret et désuet de la dénégation réservée,
affectée, classique figure du retrait de la philosophie. Or c’est également au
nom de la Raison, que nous souhaiterions défendre la totalité.
La magistrale entreprise théorique – et pratique,
nous y insistons – de Christian Godin, actuellement en cours de
publication [9], a levé nos dernières craintes, en nous assurant
que l’ambition de la totalité n’est ni un crime, ni une simple déclamation
gratuite. Précisons que, jugeant positivement une telle entreprise, nous n’en
partageons cependant pas les présupposés théoriques, lesquels s’inscrivent
délibérément dans le filon leibnizo-hégélien d’une encyclopédie philosophique.
Nous en partageons et en comprenons assurément l’enthousiasme, mais notre
propos est en fait différent, comme nous aurons l’occasion de nous en expliquer
plus complètement par la suite.
De manière schématique, nous
tenons la totalité comme une exigence pratique de la raison. Exigence méthodo-logique en
ce que la raison, comme faculté, vise la compréhension de la réalité par son
appropriation tant synchronique que diachronique. « Quiconque a le désir
de “comprendre”, demande ainsi D. Parrochia, peut-il faire autrement que s’emparer
du monde, jeter un filet sur les lieux et les êtres, ce qu’ils
éprouvent ou ce qui leur survient, substituant ainsi à la suite
indéfinie et rhapsodique des événements, des regroupements fondés sur
des relations, comme on dit “collectivisantes”. Peut-on penser
autrement ? » [10] Elle se redouble même de son
historicisation, complémentaire, dans la mesure où « notre »
modernité, plus encore qu’auparavant, se caractérise par un mouvement
contradictoire d’accroissement des possibilités d’investigation du réel et de pulvérisation de
cette même réalité en secteurs plus ou moins autonomes. D’un mot, se
manifeste une contradiction croissante entre l’appropriation de la réalité,
délivrant chaque jour de nouvelles questions et de nouveaux problèmes, et la disponibilité
réelle de ces résultats, trop souvent parcellisés.
Ce qui manque, par
conséquent, c’est la possibilité d’une articulation globale des différents
champs d’investigation du réel, car si les segmentations sont commodes, elles
n’ont pas vocation à la substantialité. « Pour vivre, nous avons besoin d’organiser
la réalité, mais ces organisations sont la plupart du tempsimparfaites. Certes,
il est de très rares cas où la science parvient, pour des temps qui semblent
long à l’échelle humaine, à définir de “bons” arrangements […] Nous aurons
toujours besoin de rectifier les frontières, voire d’en effacer,
localement, certaines lignes, leur substituant des territoires tampons et
des “zones franches”. Nous pensons aussi qu’il n’est intéressant de
vivre et de penser que sur ces limites ; c’est là que tout change, se réagrège
et se réordonne. C’est vraiment là que l’“être” peut enfin se comprendre comme
“temps”. » [11]
Il est assez évident
qu’il est impossible de percevoir la totalité in actu, comme un objet et
donc d’en produire un concept. Kant est alors tout à fait fondé à rejeter la
totalité dans la sphère des Idées (régulatrices) de la raison : la
totalité est, tout au plus, un jugement réfléchissant, mais point déterminant.
Si en effet, la totalité ne nous paraît pas pouvoir être autre chose qu’une
catégorie, elle doit être comprise dialectiquement comme ce qui noue la
pensée à l’action, et réciproquement. Pour cette raison la totalité est, d’une
certaine manière, un au-delà du concept, elle est le déploiement même
(l’ontogenèse) du réel, qui nous inclut comme moment, mais aussi comme
possibilité d’un déploiement autonome, d’une sorte d’enveloppement de ce
déploiement : la totalité est un pli [12] entre le déploiement du réel et son
réenveloppement dialectique par le procès de la connaissance.
Exigence ontologique dont nous devons la mise
au jour à Husserl, et une thématisation originale à Merleau-Ponty. Il
s’agit en effet de l’expérience fondamentale de la réversibilité de la
sensation, où la main touchante est aussi touchée, sentante et sentie [13]. On trouve, dans un petit texte de Merleau-Ponty
portant sur la peinture écrit l’année précédant sa disparition, d’utiles
réflexions sur le sujet qui nous occupe, lesquels ont en outre le mérite de la
clarté problématique. Notre position dans le monde peut se figurer comme un pli de
sa chair, marquant l’impossibilité radicale (ontologique !) de toute
position en surplomb, mais qui indique en même temps la possibilité d’une
appréhension : « Visible et mobile, mon corps est au nombre des
choses, il est l’une d’elles, il est pris dans le tissu du monde et
sa cohésion est celle d’une chose. Mais, puisqu’il voit et se meut, il tient
les choses en cercle autour de soi, elles sont une annexe ou un prolongement de
lui-même, elles sont incrustées dans sa chair, elles font partie de sa
définition pleine et le monde est fait de l’étoffe même du corps. » [14] Allant plus loin, on peut également affirmer
que la totalité est un pli entre le réel et son discours [15].
Cette thématisation
d’origine phénoménologique ne nous semble pas irréductible à l’approche
marxiste, dans laquelle nous inscrivons notre recherche. Non que nous voulions
tenter une synthèse, ni même une greffe, à vrai dire inutiles : le
marxisme comme la phénoménologie sont tout à fait fonctionnels par eux-mêmes.
Nous pensons simplement que le marxisme a quelque chose à apprendre, de ce
point de vue, des thématisations originales de la phénoménologie,
particulièrement celles de Merleau-Ponty.
Dans l’horizon du
marxisme, une place éminente revient à György Lukács (1885-1971), qui fut le
premier à thématiser la totalité comme une catégorie, théoriqueet pratique,
centrale, dont on a pu affirmer, à ce propos, qu’il s’agissait des
« aventures de ce concept jusqu’à Habermas » [16]. Centrale, cette catégorie l’est
massivement dans les analyses d’Histoire et conscience de classe. Mais il nous
faut ici immédiatement biffer cette focalisation exclusive, en insistant sur la
prégnance de ladite catégorie dans l’ensemble de l’œuvre qui, rappelons-le,
s’étend sur plus d’un demi-siècle (1908-1971). On en trouve la trace dès les textes
de « jeunesse », et plus particulièrement dans La théorie du
roman (1916), où elle est explicitement thématisée. De manière plus
affirmée, elle attestera sa fécondité dans les œuvres de la maturité, comme Die
Eigenart des Ästhetischen (La Particularité de l’esthétique, 1964), ainsi que
dans Zur Ontologie des gesellschaftlichen Seins (Ontologie de l’être
social, 1964-1971) [17].
« Il apparaît aujourd’hui évident que la description que faisait Lukács du caractère conflictuel de la réalité moderne, avec sa scission typique entre la conventionnalité toujours plus prononcée de la réalité objective et les aspirations toujours plus dénuées d’espérance de la conscience individuelle, était un reflet direct de la situation historique particulière où se trouvait la conscience même de l’auteur lorsqu’il rédigeait sa Théorie du Roman. Sa sensibilité et sa conscience se trouvaient profondément meurtries par l’irréductibilité du divorce entre l’aridité du monde “objectif ” (image à peine sublimée de la civilisation capitaliste contemporaine) et l’intériorité “sans patrie” de l’âme individuelle. » Et Nicolas Tertulian de conclure, un peu plus bas : « Une pareille dialectique esthétique cachait en soi l’aspiration secrète la plus profonde de Lukács : la soif de totalité. Dans son ensemble, l’œuvre de Lukács pourrait être définie comme une véritable théodicée de l’idée de totalité » [18].
Aussi paraîtra t-il
peut-être incongru de parler d’un « problème de la totalité » chez
Lukács. La centralité d’une catégorie ne l’exonère toutefois nullement d’une
quelconque problématicité, et, d’autre part, cette problématicité est à
entendre positivement, comme l’indice d’une difficulté, ou mieux, d’un impensé,
d’un point aveugle, d’un pli…
La problématicité de la
totalité chez Lukács consiste dans son caractère résolument spéculatif, non
tant résiduel, que persistant (résident ?). Élaborée en premier
lieu, ainsi que nous le verrons dans le cadre esthético-métaphysique des œuvres
de jeunesse (L’Âme et les formes, La théorie du roman), cette spéculativité se
trouvera littéralement ramassée (au sens leibnizien) par la conception du
prolétariat comme sujet-objet identique dans Histoire et conscience de
classe. Clef de voûte du marxisme, la totalité est alors clairement identifiée
au prolétariat, amenant ainsi Lukács à subtiliser la richesse
multi-modale du réel dans une figure messianique, qui prend à sa
charge la rédemption du monde. La réification quant à elle, peut être
définie comme l’ascèse par laquelle la totalité va pouvoir seréaliser. En
fin de compte, nous voudrions montrer que la problématicité de la totalité
lukácsienne réside en sa dimension organique et téléologiquement
stricte, que les critiques tant internes et externes viendront souligner par la
suite. Il en est ainsi de la critique blochienne qui reproche par exemple
« l’homogénéisation à la pure matière sociale qui domine la pensée de
Lukács, malgré toute volonté de totalité » [19].
On sait que Lukács n’aura
eu de cesse de critiquer, tactiquement au besoin, ce livre que l’on veut
« maudit » (Histoire et conscience de classe) et, au surplus, sans
signes apparents de regrets [20]. A côté de ces critiques politiques
« tactiques », on ne trouvera qu’une seule critique théorique
nominale des thèses d’Histoire et conscience de classe, dans un texte de 1967,
préface du second volume de ses œuvres de jeunesse, publié chez Luchterhand.
Mais cette critique reste, pour une bonne part, axée sur le thème de
l’aliénation dont Lukács se reproche de l’avoir traité de manière
« super-hégélienne », c’est son terme.
Il semble bien que Lukács
ait préféré les critiques mutiques, en s’astreignant à reprendre, à repenser
les thèmes et questions abordées dans ses analyses de jeunesse, dont il ne remet
pas en cause l’intérêt. Cela nous paraît particulièrement sensible dans l’Ontologie
de l’être social qui consacre pas moins de deux chapitres aux questions du
travail et de l’aliénation [21]. De manière plus générale, il nous semble
que dans cette dernière œuvre, Lukács amende largement la spéculativité messianique
de la totalité, abandonnant clairement une démiurgie sociale (le prolétariat)
au profit d’une génétique ontologique de l’humanité sociale. Et ce
n’est pas la moindre novation de cette Ontologie, de proposer une
véritable « épigenèse de la subjectivité » (N. Tertulian) de nature
excellemmentdialectique, et dont on devine que la totalité est l’outil
catégorial et heuristique central. Celle-ci n’est alors plus la geste augurale
d’une réconciliation rédemptrice de l’humanité, mais une exigence, celle de la
construction permanente d’un futur toujours déjà en gésine dans le présent.
Utopie ?
« Hommes de demain, soufflez sur les charbons. A vous de dire
ce que je vois » | Louis Aragon
Notes
[1]. Renvoyons, pour une digne approche
critique, aux travaux de Domenico Losurdo : « Marx et l’histoire du
totalitarisme », in Fin du communisme ? Actualité du
marxisme ?, sous la direction de Jacques Bidet et Jacques Texier.
Paris : puf, 1991, p. 75-95 ainsi que Hegel et la catastrophe
allemande. Paris : Albin-Michel, 1994. Cf. sur un registre philosophique
les remarques de Daniel Parrochia, La raison systématique. Essai d’une
morphologie des systèmes philosophiques. Paris : Vrin, 1993, p. 11 sq.,
qui propose un aperçu de cette question (damnation ?) aussi vieille que la
pensée.
[2]. Étienne Balibar, « Spinoza ou
l’anti-Orwell. La crainte des masses », in La crainte des masses.
Politique et philosophie avant et après Marx. Paris : Galilée,
1997, p. 98 ; nous soulignons.
[3]. Enzo Traverso, Pour une critique de la
barbarie moderne. Écrits sur l’histoire des juifs et de l’antisémitisme,
Lausanne, Éd. Page Deux, 1997, p. 157 sq.
[4]. Cf. Theodor W. Adorno, Max Horkheimer, Dialectique
de la raison (1944), tr. fr. Paris, Gallimard, 1974.
[5]. Car de l’Arménie (1915) au Rwanda (1994),
le génocide est un pluriel qui ne se réduit pas…
[6]. Ce n’est pas ici le lieu d’instruire un
quelconque procès en général, ni même de Heidegger en particulier. Reconnaissons toutefois la relative
répugnance de la philosophie à parfois se pencher sur son « histoire
profane ». Ainsi, la (non-)réception par l’academia philosophique
de l’analyse de Pierre Bourdieu,L’ontologie politique de Martin Heidegger. Paris : Minuit, 1988, est à cet
égard éloquente, occultant, au passage, les critiques qui auraient certainement
pu lui être adressée.
[7]. Cf. André Tosel, « Procès à
Marx : sur quelques lectures française de Marx », in L’esprit de
scission. Études sur Marx, Gramsci, Lukács. Paris : Les Belles Lettres/alub,
1991, p. 97-123. Cf. également, du même auteur, « Philosophie marxiste et
traductibilité des langages et des pratiques », in Praxis. Vers une
refondation en philosophie marxiste. Paris : Éditions Sociales, 1984, p.
115 : « De toutes parts de bons esprits, par calcul ou par
conviction, annoncent la fin des grandes représentations totalisantes, des
grands récits sur les fins dernières. »
[8]. Cf. également ce qu’écrit Daniel
Parrochia, Mathématiques & existence. Ordres, fragments, empiétements,
Seyssel, Champ Vallon, 1991, p. 199 : « Les philosophies les plus
protestataires, qui se sont toujours opposées à la volonté organisatrice et
classificatrice des grands systèmes classiques, l’ont toujours fait au nom de
l’idée que la réalité, dans son essence échappait aux découpages. […]
Ces philosophies ont pris pour territoire ce qu’on a cru être un degré zéro de
l’organisation. »
[9]. N’ayant pu seulement prendre en compte le
« prologue », nous y renvoyons en priorité : Christian Godin. La
totalité. Prologue. Pour une philosophie de la totalité, Seyssel, Champ Vallon,
1997, avec une stimulante préface de François Dagognet. Des huit volumes dont
la parution doit s’échelonner jusqu’en 2000, sont déjà disponibles (fin
septembre 1998), outre le prologue, op. cit., le vol. 4 : La
totalité réalisée : les arts et la littérature, Seyssel, Champ Vallon,
1997 et le vol. 1 : De l’imaginaire au symbolique, Seyssel, Champ
Vallon, 1998.
[10]. Daniel Parrochia, La raison
systématique, op. cit., p. 308 ; nous soulignons. Précisons
que la thématique du « filet jeté » est précisément l’enjeu de la
réticularisation, comme le suggère, le même auteur dans un autre de ses
ouvrages Philosophie des réseaux. Paris : puf, 1993, p. 5-13.
[12]. Quoique nous n’en partagions pas
toutes les analyses, nous renvoyons quand même au livre suggestif de Gilles
Deleuze, Le pli. Leibniz et le baroque. Paris : Minuit, 1988, lequel
est bien plus qu’un simple exercice de style philosophique, à quoi on l’a
parfois hâtivement réduit.
[13]. Cf. Edmund Husserl, Idées
directrices pour une phénoménologie et une philosophie phénoménologiques pures.
Livre second : Recherches philosophiques pour la constitution, § 36,
« Constitution du corps propre comme support de sensations localisées
(impressions sensibles) », tr. fr. Paris, puf, 1996, p. 206-210 et
Maurice Merleau-Ponty, Le visible et l’invisible (1964). Paris :
Gallimard, 1997, spécialement « L’entrelacs et le chiasme », p.
172-204.
[15]. Cf. Pierre Livet, Penser le
pratique. Communauté et critique. Paris : Klincksieck, 1979, « Le pli
selon Merleau-Ponty », p. 53-60, ainsi que également p. 61sq.
[16]. Martin Jay, Marxism and
Totality. The Adventures of a Concept from Lukács to Habermas. Berkeley-Los
Angeles : California University Press, 1984.
[17]. Rédigé durant les sept dernières années de
sa vie, le manuscrit, n’a pas été revu par son auteur et n’a été publié, en
allemand, qu’en 1984. Cf. l’annexe,infra, p. 87-88.
[18]. Nicolas Tertulian, « L’évolution de
la pensée de Georg Lukács », L’Homme et la société, 1971, n° 20, p.
13-36 ; p. 23 ; souligné par N. Tertulian.
[19]. Cf. infra, p. 58.
[20]. Sous bénéfice d’inventaire donc, Lukács
paraît n’avoir jamais renié ses critiques à l’endroit d’Histoire et conscience
de classe. Dans Le jeune Hegel (écrit en 1938 mais publié seulement
en 1948) par exemple, l’ouvrage de 1923 n’est jamais nommément cité. En ce qui
concerne l’Ontologie de l’être social, qui n’a, rappelons-le, jamais reçu l’imprimatur de
son auteur, la bibliographie proposée semble reprendre l’ensemble de ses
œuvres, en indiquant leur distribution dans les volumes des œuvres complètes en
allemand du philosophe magyare. Quant à l’index des noms, il ne comporte même
pas celui de Lukács.
[21]. G. Lukács, Zur Ontologie des
gesellschaftlichen Seins (1964-1971), 2. Halbband, In Verbindung mit dem Lukács-Archiv
Budapest, herausgegeben von Frank Benseler, Darmstadt-Neuwied,
Luchterhand, 1986 (Band 14), « Die Arbeit », p. 7-116, et « Die
Entfremdung », p. 501-730.